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Cinq ans de règne du roi Philippe: des doutes du début au parcours sans faute

Le 21 juillet, cela fera exactement cinq ans que le roi Philippe montait sur le trône. Si nombre d’observateurs doutaient à l’époque des capacités du nouveau monarque, force est de constater que le 7e roi des Belges a su faire taire ses détracteurs jusqu’à présent.

Le roi Philippe, 58 ans aujourd’hui, a succédé à son père le roi Albert II le 21 juillet 2013. Ce dernier, lassé par les interminables négociations en vue de la formation d’un gouvernement fédéral ainsi que l’affaire Delphine Boël, avait annoncé au début du mois de juillet son intention d’abdiquer en faveur de son fils aîné le prince Philippe. Notons que le roi Albert II est le premier monarque belge à abdiquer volontairement.

En 1993 déjà, nombreux étaient ceux qui s’attendaient à voir le prince Philippe, alors âgé de 33 ans, succéder à son oncle le roi Baudouin emporté par une crise cardiaque alors qu’il séjournait dans sa villa de Motril en Espagne. Au lieu de cela, ce fut son père, le prince Albert qui monta sur le trône. L’ordre constitutionnel était ainsi respecté mais ce choix s’est aussi opéré en raison d’une certaine défiance à l’égard du jeune prince. Ce dernier ne bénéficiait en effet pas toujours d’une image très positive et ce malgré une solide formation académique: diplôme de l’Ecole Royale Militaire (ERM), passage par le Trinity College (Oxford) et master en sciences politiques à l’université de Stanford.

Le Prince avait surtout fait l’objet de critiques pour son manque de diplomatie en matière politique. Il avait ainsi plaidé dans la foulée de l’affaire Dutroux pour l’interdiction de la pornographie alors qu’il était sénateur de droit. Le futur roi s’en était également pris dans les pages de l’hebdomadaire Story au Vlaams Belang avant d’apposer sa signature au bas d’un texte de la FEB critiquant la politique du gouvernement Verhofstadt. Il s’en était également pris publiquement à certains journalistes du nord du pays comme Pol Van Den Driessche et Yves Desmet. Obligeant ainsi le Premier ministre Guy Verhofstadt a recadrer le Prince à plusieurs reprises.

Si son mariage avec Mathilde d’Udekem d’Acoz en 1999 a permis de donner une image plus positive du Prince dans les médias, il n’en conservait pas moins un style parfois un peu « guindé » comme en témoigne son baiser furtif échangé avec son épouse sur le balcon de l’Hôtel de Ville de Bruxelles ou encore lors de l’annonce de la naissance de sa fille Elisabeth.

La partie était donc loin d’être gagnée en 2013 pour le fils aîné d’Albert et Paola même si Philippe avait rempli une cinquantaine de missions économiques. Mais la confiance dans le nouveau roi s’est fortement accrue ces cinq dernières années, explique le recteur de l’Université d’Anvers Herman Van Goethem, également historien et spécialiste de la monarchie. « Il a accompli un parcours sans faute. Il joue son rôle à la perfection, aussi durant la formation du gouvernement en 2014 », souligne le professeur Van Goethem.

Cela peut s’expliquer en partie grâce à la nomination de Frans van Daele, un diplomate de haut vol, comme chef de cabinet du nouveau souverain. « Philippe s’était exprimé notamment en matière communautaire alors qu’il était encore prince héritier. Cela n’est plus arrivé depuis. « Frans van Daele est un très grand diplomate doté d’une très grand sens de l’humain ». Frans Van Daele a entre-temps passé le flambeau à Vincent Houssiau, l’ancien chef de cabinet du ministre de la Justice Koen Geens (CD&V).

Le roi Philippe continue par ailleurs à s’impliquer dans les missions économiques et veille aussi à défendre la place de la Belgique sur le plan international. En témoigne son récent discours prononcé aux Nations unies dans le cadre de la campagne belge en vue d’obtenir un siège comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l’Onu.

Philippe semble également avoir trouvé sa voie sur un plan plus personnel et la très populaire reine Mathilde n’y est sans doute pas étrangère, son royal conjoint évoluant d’un roi « emprunté » à un père de famille épanoui à la tête d’une famille nombreuse.

Du côté de la N-VA, l’aversion du parti nationaliste à l’égard du roi Philippe semble être moins grande que vis-à-vis de son père le roi Albert II. Ce dernier avait notamment épinglé le parti de Bart De Wever en 2012 lors de son traditionnel message de Noël, ce qui lui avait valu de nombreuses critiques de l’homme fort des nationalistes flamands.

« Je n’ai rein contre Philippe en tant que personne », explique le député N-VA et spécialiste de la monarchie Peter Buysrogge à propos de l’actuel souverain. « Il fait profil bas, également en ce qui concerne les prises de position politique. Albert II est quelqu’un de plus flamboyant. Il (Philippe) est peut-être plus réservé mais je dis cela sans vouloir lui manquer de respect. »

Quoi qu’il en soit la N-VA reste opposée à la monarchie en tant que telle, poursuit l’élu nationaliste mais « il n’y a pas eu d’accidents jusqu’à présent. » « Est-ce dû à la présence de Frans Van Daele ou à son approche personnelle, je l’ignore », ajoute Peter Buysrogge.

Le Roi a non seulement trouvé sa place dans le domaine politique mais également public », poursuit Herman Van Goethem. « Il n’est peut-être pas le plus loquace mais cela n’est pas nécessaire non plus car il y a la reine Mathilde. Elle est très forte, toujours bien préparée. Elle pose toujours les bonnes questions. Il faut vraiment les voir comme une équipe. » Pendant les missions économiques et les visites d’Etat, ils jouent « parfaitement » leur rôle: « ils facilitent et ouvrent des portes ».

Les discours royaux ne sont pas anodins dans ce contexte. « Philippe choisit bien ses thèmes. Il se concentre sur la vie en société en insistant sur la tolérance, la solidarité et la muticulturalité. Cela rejoint ce que fait Mathilde lors de ces visites. Elle choisit des projets sociaux, souvent en rapport avec les enfants, et ce aussi à l’étranger. »

Un nouveau défi attend par ailleurs le roi Philippe après les élections de 2019 et la confiance est plus grande qu’il y a cinq ans. Et le risque que cela dérape est minime. « Il a 58 ans maintenant, beaucoup d’expérience, accumulée alors qu’il était prince héritier », poursuit Herman Van Goethem. « Mais il y avait encore toujours cette ambigüité: dans quelle mesure laisser transparaître son opinion? Celle-ci a disparu une fois l’homme devenu roi car plus question de faire des déclarations fracassantes. »

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