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Christian Panier et le PTB, c’est fini

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

L’ancien juge namurois a été remercié par le Parti du travail de Belgique qui n’a jamais digéré son initiative d’héberger Michelle Martin. Une séparation radicale décidée à l’approche des élections. Hasard ?

Les faits datent d’il y a plus de trois mois, mais l’information nous est parvenue au hasard d’une conversation. C’est dire si le parti ne veut pas en faire des vagues. Christian Panier a été exclu du PTB ! Contacté, l’ancien président turbulent du tribunal de première instance de Namur confirme : « J’ai versé ma cotisation au début de l’année, mais je n’ai jamais reçu ma nouvelle carte de membre et le journal du parti ne m’est plus parvenu. J’ai fini par appeler le siège du PTB, boulevard Lemonnier. On m’a répondu laconiquement que mon président provincial allait m’appeler. » En effet, quelques jours plus tard, Thierry Warmoes, ce Flamand amical qui tire la liste PTB depuis vingt ans dans la capitale wallonne, l’invite à boire un café. « Et là, continue Panier, il m’annonce que la direction du parti juge que je ne peux plus être membre, vu l’accueil que je réserve à une certaine dame. »

La dame, c’est Michelle Martin. En avril 2015, l’information avait créé l’émoi au sein de l’opinion et du Parti du travail de Belgique. Libérée sous régime conditionnel en 2012, l’ex-femme de Marc Dutroux, d’abord recueillie par les soeurs clarisses de Malonne, ne pouvait plus être hébergée par la communauté religieuse qui allait déménager dans des locaux moins propices. La mère supérieure en avait fait part à Christian Panier qui habite à deux pas de Malonne, à Floreffe, lui demandant des renseignements d’ordre légal pour Michelle Martin, qui ne peut résider où elle veut. Et le magistrat, tout juste retraité, avait alors décidé d’ouvrir une partie de sa demeure à l’intouchable qui y habite depuis plus de deux ans maintenant.

A l’époque, plutôt que de se murer dans le silence, Christian Panier avait préféré répondre aux questions des médias, assumant son choix controversé. « Je suis désireux de réconcilier l’humanité avec elle-même », expliquait à La Libre celui qui se décrit comme empreint des valeurs chrétiennes (de gauche forcément) mais ne croyant plus en Dieu. En précisant : « Il me paraissait normal d’accueillir quelqu’un qui a bénéficié, en toute légalité, d’une mesure de libération conditionnelle et dont pourtant personne ne voulait. » Et encore à la RTBF : « Cela correspond à ma conviction que la réinsertion est ce qui fait la différence entre la justice de la vengeance et la justice de civilisation. »

On lui avait aussi prêté des déclarations désobligeantes sur la santé et la clairvoyance de Gino Russo, le père d’une des victimes de Dutroux, qui l’avait traité de « nouveau Jésus de Namur ». Mais Christian Panier avait démenti avoir tenu de tels propos vipérins. Quoi qu’il en soit, son argumentation n’avait pas convaincu la direction du PTB. « Personnellement, je ne veux plus que Monsieur Panier soit candidat chez nous », avait tonné Raoul Hedebouw, ami intime de Gino Russo. En 2014, l’ex-juge s’était présenté sur la liste européenne, à Namur, sans succès. Le parti n’avait cependant pas été jusqu’à l’exclure, même si l’attitude de son réputé militant suscitait de vives discussions parmi ses membres. L’affaire en était restée là, sans autres remous.

Pourquoi alors se séparer de Christian Panier aujourd’hui ? « Il en a fallu du temps avant de prendre la décision, constate l’intéressé. Je crois tout simplement qu’à l’approche des élections communales, puis législatives, et vu la tendance favorable des sondages pour le PTB, ce dernier veut mettre toutes les cartes dans son jeu et ne prendre aucun risque. » Sentence opportuniste du parti ? « Il s’agit bien d’une décision de la direction nationale du PTB, confirme Thierry Warmoes, mais cela n’a rien à voir avec les élections à venir. En réalité, Christian n’avait pas payé sa cotisation début 2016 et je n’avais pas couru après celle-ci, vu la controverse de l’année précédente. Nous pensions qu’il avait lui-même tiré les conclusions de ses dissensions avec le parti. Mais, début 2017, il a voulu à nouveau cotiser. Nous avons alors refusé de renouveler sa carte. » Voilà pour le timing. Quant aux motivations, Thierry Warmoes reconnaît que c’est « l’affaire Martin » qui en est à l’origine.

« A l’époque, le PTB s’était déclaré contre la libération conditionnelle de Michelle Martin, explique-t-il. Christian l’a non seulement accueillie chez lui mais a aussi fait des déclarations tonitruantes dans les médias, allant jusqu’à dire qu’il aurait pu accueillir Hitler (NDLR : en réponse à une question d’un journaliste de Canal +). Il avait son propre agenda qui n’était pas compatible avec le nôtre ». Le PTB lui reproche son manque d’empathie avec les parents d’enfants disparus et ses critiques du droit des victimes et de l' »émocratie ». « Au PTB, nous devons prendre en compte l’émotion et la colère des travailleurs », affirme le chef de file pétébiste à Namur.

Il y a trois ans, le parti radical de gauche et Christian Panier, qui en était membre depuis 2013, étaient plutôt en phase sur les questions de justice. Le magistrat avait signé avec l’avocat proche du PTB Jan Fermon – qui avait défendu Laetitia Delhez au procès Dutroux – l’ouvrage intitulé Justice, une affaire de classes, aux éditions Aden (qui publient les livres du PTB). Les deux auteurs y démontraient comment la justice s’est éloignée du citoyen depuis le début des années 2000 et dénonçaient l’organisation du système judiciaire tendant vers la privatisation, dont profitent les plus nantis. Ils fustigeaient, au passage, la main de plus en plus lourde des tribunaux à l’égard des travailleurs. En phase, donc.

Christian Panier, ses idées ébouriffantes pour un représentant de la magistrature, ses dons oratoires de comédien qu’il rêvait d’être : un illustre militant parfait pour le PTB. L’accueil de Michelle Martin à Floreffe a tout bousculé. « Je suis très déçu, regrette l’exclu, surtout venant d’un parti qui se proclame d’ouverture. C’est d’une mesquinerie petite-bourgeoise… Mais cela ne m’empêchera pas de continuer à adhérer aux idées ni même de voter pour un candidat PTB. » Thierry Warmoes semble, lui aussi, un peu déchiré, même s’il assume la décision. « C’est un camarade que j’apprécie toujours, dit-il, mais sa notoriété n’en fait pas un membre comme les autres. Il a fallu trancher par rapport à sa position sur la libération conditionnelle. C’est plus sain comme ça. » Quant à Michelle Martin, elle termine son bac en sciences juridiques et de gestion, à l’Ecole supérieure des affaires de Namur. Elle doit encore repasser un examen en septembre.

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