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Charles Michel, Premier impuissant

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le chef du gouvernement fédéral traverse une période compliquée. La Belgique est montrée du doigt de tous côtés. En dépit de ses discours matamoresques, le Premier ministre est tributaire d’une N-VA insidieuse, de notre complexité institutionnelle et d’une Europe devenue indispensable. Prisonnier des autres, en somme…

La fonction de Premier ministre a profondément changé au fil du temps, jusqu’à perdre de sa puissance. « Charles Michel essaie de se présenter comme celui qui crée de nouvelles choses, mais il ne peut, il est vrai, pas faire autre chose que de prendre acte de la réalité, estime Pierre Verjans, politologue à l’Université de Liège (ULg). Dans ses discours, il a évidemment intérêt à montrer qu’il dispose de davantage de liberté qu’il n’en a réellement. Mais il est prisonnier. Sa fonction est un paradoxe permanent. » Joliment, le politologue utilise l’image du roi tout-puissant dans Le petit prince de Saint-Exupéry. Quand le petit prince lui demande de voir le coucher de soleil, le Roi ne peut que lui fixer rendez-vous en fin de journée : quand le soleil se couche effectivement…

« Les pouvoirs se sont renforcés vers le dessus et vers le dessous de l’Etat belge, complète Pierre Verjans. Les Régions et les Communautés ont de plus en plus de compétences, comme en témoigne à merveille la pénible négociation de l’accord climatique. Pour réagir au terrorisme, les Etats nations ne se suffisent plus à eux-mêmes. Cette conscience-là s’impose à Charles Michel. » La sixième réforme de l’Etat, entérinée fin 2011 et active désormais, est passée par là. De même qu’un monde en voie de globalisation accélérée. De là à rendre le Premier impuissant ? « La politique est le monde de la parole, il y a dès lors des incantations qui fonctionnent. Il peut essayer de forcer les choses. Mais il n’est pas le seul à décider. Etre chef du gouvernement fédéral, aujourd’hui, cela ne veut plus dire que l’on maîtrise tout… »

« Les enjeux environnementaux ou de sécurité sont devenus transnationaux et les responsables politiques de nos Etats nations n’ont plus qu’une capacité d’action limitée pour y faire face, acquiesce Pierre Vercauteren, politologue à l’UCL Mons. Cela vaut pour la Belgique, mais aussi pour la France qui est pourtant considérée comme une puissance. Voilà pourquoi la réponse à la menace terroriste que Charles Michel appelle de ses voeux, une CIA européenne, a du sens. Il faut des entités politiques de plus en plus grandes. »

Ecartelé entre les niveaux de pouvoir, déchiré entre les partenaires de la majorité et bousculé par les majorités régionales, le Premier ministre belge est devenu au fil du temps un « négociateur en chef » davantage qu’un décideur. « Le terme de ‘notaire’ avait été tout d’abord utilisé par François Perrin pour désigner l’action de Leo Tindemans, Premier ministre du pacte d’Egmont dans les années 1970, note le politologue liégeois. Quand Wilfried Martens a pris possession du « 16 » en 1979, on a dit de lui qu’il était ‘négociateur’ avant qu’il ne redevienne un notaire à la fin de son règne parce que l’on se fatigue vite dans ce rôle-là. Toutes les contraintes s’exercent sur la personne qui est Premier ministre. Martens lui-même avait coutume de dire que c’est la position la moins libre dans notre Etat. » Un prisonnier, enchaîné par les autres…

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– « Aujourd’hui, le Premier ministre est moins un président directeur qu’un président du conseil d’administration »

– La schizophrénie calculée de la N-VA

– Ce qui arrange quand même Charles Michel

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