Ahmed Laaouej © BELGA

Après trois ans de Michel I, l’écart entre la gauche et la droite est plus profond que jamais

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Alors que le Premier ministre défend le travail du gouvernement par toute une série d’indicateurs socio-économiques, la méfiance grandit depuis l’opposition.

Ce mardi, le Premier ministre Charles Michel a déclaré que l’agenda de redressement du gouvernement était la seul issue pour garantir la prospérité dans notre pays. L’équipe fédérale se targue surtout d’avoir créé de l’emploi. Le débat qui a suivi la déclaration de politique générale a révélé qu’après trois ans de Michel I l’opposition n’est guère impressionnée par la croissance réalisée. Les chiffres d’emploi ont été continuellement mis en cause, et aucun parti de la majorité n’a réussi à dissiper l’incertitude.

Dans son State of the Union, le Premier ministre Charles Michel a fait état de la création de 60 000 jobs à temps plein supplémentaires au cours de l’année écoulée, mais d’après Raoul Hedebouw (PTB) il s’agit de 39 000 jobs à temps plein, 12 000 jobs intérim et 10 000 jobs à temps partiel. Le ministre de l’Emploi Kris Peeters (CD&V) cite d’autres chiffres : face aux 42 000 jobs perdus sous Di Rupo I, l’Office national de sécurité sociale estime que ce gouvernement a créé 24 000 jobs à temps plein, et 30 000 postes à temps partiel.

L’opposition s’inquiète également du statut des jobs créés. « N’y a-t-il pas d’écart entre vous et la réalité de nos citoyens ? Vous rendez les emplois encore plus vulnérables », déclare le chef de groupe PS Ahmed Laaouej « avec des flexijobs, des intérims et des emplois dans la fonction publique. Et nous ne savons pas jusqu’à quel secteur s’étendra cette incertitude. »

« Vous êtes le gouvernement de l’insécurité sociale », ajoute Laaouej. Il cite le saut d’index qui doit aider à combler l’écart salarial avec les pays voisins mais qui selon le PS a entraîné 2% de perte salariale. « Vous continuez à répéter comme un mantra : moins de charges salariales. Cependant, les salariés continuent à s’appauvrir pour créer plus de jobs. » Monica De Coninck (sp.a) partage son avis : « Vous faites des cadeaux aux employeurs, mais vos meilleurs amis ne vous aident pas à activer l’emploi. »

Le chef de groupe N-VA , Peter De Roover, défend les décisions de l’accord d’été : « la révision de privilèges n’est pas de retirer des choses, mais revoir des tabous qui à terme coûteront cher en matière de progrès social. » S’il n’en tenait qu’à son parti, « on peut aller plus loin, mais nous sommes dans une réalité budgétaire que nous devons surveiller. »

Pour De Roover, ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de différends sur la taxe sur les comptes-titres et la réforme de l’impôt sur les sociétés au sein du gouvernement, qu’il faut mettre en doute le travail effectué. « Nous avons bel et bien un beau projet sur la table. C’est un compromis. À mon étonnement, on remarque parfois que ce gouvernement se compose de quatre partis. C’est la vérité, et nous n’avons pas encore l’intention de fusionner. Le State of the Union n’était pas une déclaration N-VA mais une déclaration d’un gouvernement que nous soutenons pleinement. »

Indemnités de pauvreté

L’annonce de la Secrétaire d’État, Zuhal Demir (N-VA), du week-end dernier, qui a déclaré qu’elle n’arriverait pas à augmenter les revenus d’intégration au niveau du seuil de pauvreté européen d’ici la fin de la législature, entraine un débat dans le débat. Kristof Calvo (Groen) indique à la majorité que le Premier ministre a bel et bien parlé d’une augmentation progressive des revenus d’intégration. « C’est quoi maintenant ? La version Demir ou la version Michel ? » D’après De Roover, les efforts à fournir sont aussi importants parce que le gouvernement « en a hérité » ainsi. Pourtant, d’après Calvo l’écart entre le seuil de pauvreté et les indemnités n’a fait que se creuser au cours de cette législature.

Kristof Calvo fait souvent office de booster de débats. « Si le verbe attiser n’existait pas, monsieur Calvo l’inventerait », lui a lancé Patrick Dewael (Open VLD) depuis la chaire. Sa déclaration a entraîné un débat vif au sujet du large no man’s land idéologique entre la majorité et l’opposition. D’après Dewael, la gauche est coincée dans une « sorte de conservatisme, et elle ne croit pas que le travail créé du travail ».

La différence entre vous et moi, ce n’est pas que vous voulez réformer et que je veux tout laisser comme c’était », a répondu Calvo. « Vous partez d’une image négative de l’homme, un libéralisme bleu foncé et vide, une méfiance vis-à-vis de l’autre depuis la prémisse que quelqu’un qui est demandeur d’emploi, c’est parce qu’il le souhaite. »

« Nous avons une vision de l’homme plus optimiste que les propos syndicaux qu’on entend parfois dans vos rangs », a rétorqué Dewael. Hendrik Vuye (Vuye & Wouters) indique au président du groupe libéral qu’il s’attribuait beaucoup de « virginité politique » en attaquant le gouvernement précédent. « Vous aussi vous étiez dans ce gouvernement précédent. Vous y êtes depuis 1999. Si vous aviez un rôle dans la Bible, vous transformeriez Marie Madeleine en vierge. »

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